Anaïs Anaïs

Mais qui est-elle cette Anaïs ?

Enceinte de son deuxième enfant et ne pouvant s’éloigner à plus d’une heure de distance de l’hôpital où elle donnera naissance incessamment, la réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette a dû faire le choix déchirant de ne pas assister à la première québécoise de son deuxième long métrage, Inch’Allah, qui a été présenté en clôture de la deuxième édition du Festival de Cinéma de la Ville de Québec.

Elle a pris soin d’écrire un mot destiné aux festivaliers. Un mot touchant et chaleureux qui témoignait de sa fébrilité étant sur le point d’accoucher de ses deux bébés presque simultanément. Elle trouvait réconfort dans le fait que, comme elle seule pouvait entourer le bébé qu’elle porte dans son ventre, alors que nous, nous étions des centaines de personnes à pouvoir entourer son film, elle avait confiance en l’accueil que nous allions réserver à Inch’Allah.

La cinéaste venait de donner le ton à la rencontre qui s’annonçait avec une œuvre personnelle, sensible, engagée et intelligente.

Inch’Allah raconte le périple marquant d’une jeune obstétricienne québécoise plongée au cœur du conflit israélo-palestinien. Chloé accompagne les femmes enceintes dans une clinique de fortune d’un camp de réfugiés palestiniens en Cijordanie. D’abord habitée d’une réelle volonté de faire la différence, elle est peu à peu gagnée par l’épuisement et le doute, puis fini par prendre position dans une guerre qui n’est pas la sienne.

Plusieurs ont déjà parlé du film, de l’histoire. Personnellement, j’ai eu envie d’en savoir plus sur la réalisatrice. Sur cette jeune artiste qui met la justice sociale au cœur de son œuvre, animée par le profond désir de changer le monde et qui a choisi la caméra pour tenter d’y parvenir.

Anaïs est une enfant de la balle. Elle est d’une lignée d’artistes résolument engagés de laquelle elle dit avoir reçu la révolte en héritage. Son grand-père est le célèbre peintre et sculpteur québécois et signataire du Refus Global, Marcel Barbeau. Sa mère, Manon Barbeau, est scénariste, réalisatrice et productrice de documentaires et bien connue pour son travail auprès des communautés autochtones. Son père, Philippe Lavalette, est réalisateur et directeur de la photographie. Il signe d’ailleurs magnifiquement la direction photo d’Inch’Allah. Pas étonnant qu’elle étudiera les relations internationales et le cinéma !

Sensible à la misère humaine et aux inégalités sociales, la jeune cinéaste part à la rencontre du monde pendant quelques années, sa caméra sous le bras, accumulant courts métrages et documentaires.

Au retour de ses nombreux voyages, chargée des réalités difficiles qui ne sont pas les siennes, elle sent très fort le besoin de poser sa caméra sur un vécu qui lui ressemble et auquel elle peut s’identifier. Sa rencontre avec Hochelaga-Maisonneuve sera marquante, d’abord personnellement à travers les enfants, et ensuite à travers son art. Elle sera grande sœur d’une petite fille du quartier et avec le docteur Julien, elle fonde un organisme de parrainage de jeunes enfants. Un roman, un documentaire et son premier long métrage, Le Ring, tous trois campés dans Hochelaga-Maisonneuve seront inspirés des gens qui y vivent et qui la touchent.

À 33 ans seulement, Anaïs Barbeau-Lavalette compte déjà une filmographie très impressionnante. Plus d’une vingtaine de titres (documentaires, courts et longs métrages). Elle a publié un roman (Je voudrais qu’on m’efface), un prolongement de son premier long métrage Le Ring et un recueil de chroniques (Embrasser Yasser Arafat – Chroniques palestiniennes), inspiré de ses séjours en Palestine.

Inch’Allah est son deuxième long métrage de fiction, produit par micro_scope (Incendies, Monsieur Lazar). On sent bien la documentariste, maintes fois primée dans les festivals à travers le monde, derrière le travail de recherche monumental qu’a dû exiger l’écriture et la mise en images d’un tel scénario. La réalisation d’Anaïs Barbeau-Lavalette est assumée, puissante et sans trace de misérabilisme. La conception visuelle d’André-Line Beauparlant est à couper le souffle de réalisme et la vérité des images captées par Philippe Lavalette est troublante.

Inch’Allah signifie « si Dieu le veut ». Anaïs Barbeau-Lavalette ne s’arrête pas là et je devine qu’elle n’a pas fini de nous rappeler que nous avons tous la responsabilité de participer au monde dans lequel nous vivons et de s’approprier, jusqu’à un certain point, son destin.

Personnellement, j’ai très hâte de voir ce qu’elle nous réserve comme prochain film et je suivrai avec attention le parcours exceptionnel de cette humaniste qui est préoccupée par l’injustice et le sort des plus démunis et pour qui, bousculer l’immobilisme et encourager le dialogue est le leitmotiv.

Anaïs et Évelyne Brochu, la star du film, en entrevue avec Sébastien Diaz (Voir, telequébec.tv)

http://video.telequebec.tv/video/12203/inch-allah-dit-anais-barbeau-lavalette

Depuis la publication de ce texte, Anaïs Barbeau-Lavalette a reçu le prix Artiste pour la paix de l’année 2012 et Inch’Allah s’est mérité le prix de la Fédération internationale de la presse cinématographique aux prestigieux Festival de film de Berlin, suite à sa présentation dans la section Panorama.

Photo page d’accueil: Marianne Larochelle

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