Le film à voir cette semaine selon Caroline Masse, directrice artistique d’Excentris, est HANNAH ARENDT.
Ce qu’elle en dit : « Page d’histoire fascinante autour de la pensée d’une des plus grandes intellectuelles du XXe siècle, Hannah Arendt, de Margarethe von Trotta, interprétée par la magnifique Barbara Sukowa, réussit à nous plonger au coeur de l’Histoire avec un grand H. »
Allemagne 2012. De Margarethe von Trotta. Avec Barbara Sukowa, Alex Milberg, Janet McTeer, Ulrich Noethen, Julia Jentsh et Adolf Eichmann. Durée : 1h53.
1961. La philosophe juive allemande Hannah Arendt est envoyée à Jérusalem par le New Yorker pour couvrir le procès d’Adolf Eichmann, responsable de la déportation de millions de juifs. Les articles qu’elle publie et sa théorie de La banalité du mal déclenchent une controverse sans précédent. Son obstination et l’exigence de sa pensée se heurtent à l’incompréhension de ses proches et provoquent son isolement.
À l’affiche présentement à Montréal et à Québec.
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Hannah Arendt, modèle remarquable, Barbara Sukowa, captivante interprète, Margarethe von Trotta, réalisatrice à l’oeil pénétrant: trois femmes s’ajoutent, se complètent, se confondent pour composer un de ces profonds portraits qui donnent envie de les fréquenter comme des personnes vivantes. On croit volontiers que Hannah Arendt possédait ce charme intelligent que lui donne Barbara Sukowa. Pas de coquetterie ni d’artifice, mais une féminité sereinement épanouie. Margarethe von Trotta a choisi de la peindre entre 1961 et 1963, années où la philosophe, devenue américaine, concentre sa réflexion sur le criminel nazi Adolf Eichmann, capturé en Amérique du Sud. Forte de la notoriété que lui a value son ouvrage, Les Origines du totalitarisme, elle enseigne à l’université, et mène une existence studieuse et chaleureuse avec son mari Heinrich Blücher, comme elle, professeur de philosophie.
Le film présente d’abord Hannah dans son cadre familier, à travers le réseau de relations qui font sa vie quotidienne ; la tendresse complice, teintée d’humour et d’indulgence, qui la lie à Heinrich et les discussions du cercle d’intellectuels qu’ils fréquentent. Puis, on entre dans la solitude du travail intérieur quand elle va se confronter avec Eichmann. Habilement, von Trotta met en scène un véritable face-à-face en installant Hannah dans la salle de presse, où elle scrute le visage authentique d’Eichmann, en images d’archives sur un écran de télévision. Elle découvre un bureaucrate médiocre, sans passion, sans conscience, sans pensée. Au retour, elle va, peu à peu, élaborer sa théorie de la banalité du mal.
À sa publication, la polémique sera violente. Lettres d’insultes, ruptures amicales, ostracisme de ses collègues. La forte personnalité de Hannah encaisse. On la juge arrogante. Attaquée, blessée, elle ne recule pas. C’est l’anti-Eichmann. Seule, dans l’amphithéâtre, devant ses étudiants hostiles, elle illustre ce que sa parole défend dans un long monologue: le courage de penser, la liberté et la responsabilité de dire ce qu’on a compris.
Seule, dans l’amphithéâtre, devant ses étudiants hostiles, elle illustre ce que sa parole défend dans un long monologue: le courage de penser, la liberté et la responsabilité de dire ce qu’on a compris.
Marie-Noëlle Tranchant, Le Monde